Vanille contre BDSM : la guerre inutile du plaisir
On vit dans une société du toujours plus.
Toujours plus de productivité, plus d’objectifs, plus de résultats.
Mais il existe un domaine où le “plus” devient soudain tabou : la sexualité dite “vanille”.
Vanille, parce que c’est doux, consensuel, standard.
Le goût qui plaît au plus grand nombre.
Et pourtant, entre les adeptes du vanille et les passionnés du BDSM, une drôle de guerre s’est installée.
Pas une guerre ouverte. Non.
Une guerre larvée, faite de jugements, de sarcasmes et de mépris feutré.
Deux mondes qui s’observent
⚖️ Le besoin de se distinguer
Les “vanilles” regardent les amateurs de BDSM comme des âmes perdues, des fous du contrôle et du cuir.
Les “kinksters” observent les premiers comme des frustrés coincés, apeurés par leurs propres désirs.
Et chacun, bien sûr, se pense du bon côté.
Le sexe, devenu terrain d’ego.
Pourquoi ?
Parce que l’humain a besoin de se rassurer.
Se comparer, c’est se valider.
Regarder l’autre avec condescendance, c’est éviter de regarder ce qu’on n’assume pas en soi.
Michel Foucault écrivait : « Le sexe n’est pas un simple instinct, c’est une invention culturelle, une technologie de soi. »
Autrement dit, notre sexualité est le miroir de nos contradictions.
Elle révèle ce qu’on fuit : nos peurs, nos interdits, nos héritages familiaux.
Le camp des “vertueux”
🕯️ Vanille, foi et confort moral
Pour beaucoup de vanilles, le rejet du BDSM ne vient pas d’un désintérêt, mais d’un besoin de cohérence avec leurs valeurs.
Une forme de fidélité à une éducation, à une foi, à une image du couple “sain”.
Ils associent le plaisir à la douceur, au partage, à l’amour simple.
Rien de mal à cela.
Mais parfois, cette pureté devient prison.
Derrière les discours de sagesse, on devine la peur :
- peur d’être jugé si l’on ose davantage,
- peur d’aimer des pratiques dites “déviantes”,
- peur de se découvrir autre que ce qu’on croyait être.
Freud disait : « L’homme est moins maître en sa demeure qu’il ne le croit. »
Et cette phrase résonne dans les chambres où le silence sexuel s’épaissit.
Sous le vernis de la bienséance, combien d’hommes et de femmes rêvent d’une fessée, d’un ordre, d’un abandon ?
Mais ne s’y autorisent pas.
Par peur de se salir.
Le camp des “libérés”
🔥 BDSM, fierté et provocation
En face, le monde BDSM se veut emblème de liberté.
On y célèbre le courage d’aller au bout de ses désirs, de transgresser les interdits, de vivre pleinement son corps.
La douleur devient un langage, la soumission, une force, la domination, un art de présence.
Mais la fierté a parfois un revers : le besoin de reconnaissance.
Face au mépris qu’ils subissent, certains dominants ou soumis développent une forme de supériorité inversée.
Ils se voient comme les seuls “vrais libres”, les seuls à “oser”.
Et finissent, eux aussi, par juger.
Nietzsche écrivait : « Ceux qui dansent sont considérés comme fous par ceux qui n’entendent pas la musique. »
Les vanilles n’entendent peut-être pas la même mélodie, mais cela ne les rend pas sourds à l’amour.
Et les BDSMistes, eux, oublient parfois que tout le monde n’a pas besoin de chaînes pour se sentir libre.
Même combat : la reconnaissance
💫 Ce que chacun cherche, sans oser le dire
Sous les apparences, les deux camps veulent la même chose :
être vus, compris, respectés.
Les uns dans leur douceur, les autres dans leur intensité.
Mais au lieu de tendre la main, ils se repoussent.
Parce qu’avouer qu’on envie un peu le plaisir de l’autre, ce serait admettre une faille en soi.
Dans les faits, il n’existe pas de frontière nette entre vanille et BDSM.
Beaucoup d’amants “classiques” pratiquent déjà le contrôle, la provocation, la morsure.
Et beaucoup de couples BDSM recherchent la tendresse et la fusion des vanilles.
Les opposés ne s’excluent pas : ils s’enrichissent.
André Comte-Sponville l’a bien résumé : « La sexualité est une sagesse du corps. »
Autrement dit, aucune voie n’est supérieure à l’autre.
L’important n’est pas la pratique, mais la conscience avec laquelle on la vit.
Respecter le plaisir de l’autre
🌹 Liberté et tolérance érotique
Ce qu’on oublie souvent, c’est que le respect est la base de tout érotisme.
Aucune sexualité n’est plus pure, plus digne, plus noble.
Ce qui compte, c’est l’authenticité du geste, la sincérité du désir, le consentement partagé.
La honte, la moquerie, la condescendance, tout cela tue le plaisir.
Qu’on aime la vanille, la corde, ou le fouet, on reste humain dans le même frisson.
Et si la véritable maturité sexuelle, c’était d’accepter que chacun vive sa sensualité comme il l’entend ?
Sans devoir se justifier, ni s’excuser ?
Le sexe, au fond, n’est qu’un langage.
Certains le parlent en murmures, d’autres en cris.
Mais tant qu’il y a respect, tout le monde dit la même chose :
“Je veux me sentir vivant.”