Soumise : qu’est-ce que c’est en fait ?

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Être soumise, ce n’est pas obéir, c’est choisir de s’abandonner. Entre confiance, lâcher-prise et quête de soi, elle explore la frontière entre jeu, désir et vérité intérieure. La soumission n’est pas faiblesse : c’est une forme de puissance, une sagesse du corps, un acte de foi charnel et conscient.

La soumise, bien plus qu’un rôle

Qu’est-ce qu’une soumise ?
Une question simple, en apparence. Et pourtant, elle touche à ce qu’il y a de plus intime dans la psyché humaine : le rapport au pouvoir, au désir, à soi-même.
Certains diront qu’une soumise est une femme qui obéit. D’autres, qu’elle aime être dominée. Mais réduire la soumise à une passivité serait une erreur fondamentale. Car la soumission, dans le cadre du BDSM, n’est ni faiblesse, ni servitude, mais un choix conscient et souvent profondément libérateur.

Dans l’univers BDSM, chaque soumise est unique.
Certaines vivent leur soumission comme un jeu sensuel, un espace de liberté où elles peuvent expérimenter, sans jugement. D’autres y trouvent un ancrage identitaire, un prolongement naturel de leur être.
Mais toutes partagent un point commun : le désir d’abandon. Cet abandon n’est pas fuite du réel, mais exploration du lâcher-prise. C’est un espace où l’on peut enfin cesser de contrôler, où l’on se déleste du masque social, des exigences du monde, pour redevenir soi, sans armure.

Une psychologie de la confiance

Être soumise, ce n’est pas être dominée malgré soi, mais choisir de se soumettre à quelqu’un en qui l’on a foi.
Cette distinction est essentielle. La soumission, dans le BDSM, repose sur un pilier central : la confiance.
Une soumise s’abandonne, non parce qu’elle se sent inférieure, mais parce qu’elle sait que son Maître — ou sa Maîtresse — la voit, la comprend, la respecte.
Cet abandon est un acte de courage : oser se livrer sans peur d’être brisée.

Freud parlait de la sexualité comme du lieu où se rejouent nos pulsions primitives et nos blessures inconscientes.
Chez la soumise, ces pulsions trouvent une voie d’expression structurée, ritualisée, encadrée. Elle rejoue la perte de contrôle, la vulnérabilité, la dépendance — mais dans un cadre sûr, consenti, et paradoxalement protecteur.
C’est là tout le paradoxe du BDSM : on s’abandonne pour mieux se retrouver.

Georges Bataille disait : « L’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort. »
La soumise vit cela pleinement. En s’abandonnant, elle flirte avec la perte de soi, mais pour mieux ressentir la vie. Ce n’est pas un renoncement, c’est une intensification.
Elle se met à nu, pas seulement physiquement, mais psychiquement. Et dans ce dépouillement, elle touche à une vérité que peu osent approcher.

Les multiples visages de la soumission

Il n’existe pas une soumise, mais des soumises.
Certaines sont de jeu : elles aiment le rituel, la mise en scène, la dynamique érotique. Leur plaisir naît de la tension, de la surprise, du pouvoir cédé pour un instant.
D’autres sont de cœur : elles ont besoin de cette structure dans la relation elle-même. Leur Maître n’est pas qu’un partenaire sexuel, mais une figure de repère, un axe autour duquel elles s’équilibrent.
Enfin, certaines sont de nature : la soumission n’est pas pour elles un choix, mais une évidence. Elles se sentent entières, pleines, alignées lorsqu’elles obéissent, lorsqu’elles servent, lorsqu’elles se sentent guidées.

Cette diversité rend la soumission fascinante.
On y retrouve autant de profils psychologiques que de femmes :

  • Les cérébrales, attirées par le contrôle mental, le jeu de pouvoir intellectuel.
  • Les sensorielles, qui cherchent l’intensité physique, la douleur transformée en plaisir.
  • Les émotionnelles, qui vivent la soumission comme une déclaration d’amour silencieuse.

Mais quelle que soit la forme, une chose demeure : la recherche de sens dans la relation de pouvoir.

Le plaisir de la soumise : au-delà du corps

Le plaisir d’une soumise n’est pas réductible à la simple excitation sexuelle.
Bien sûr, il y a les caresses, les ordres, les punitions, les mots crus — parfois les insultes, quand elles sont désirées, intégrées au rituel.
Mais derrière tout cela, il y a autre chose : un plaisir existentiel.
Celui de ne plus avoir à choisir, à penser, à décider. Celui de s’oublier pour un instant dans la confiance absolue.

Wilhelm Reich, élève dissident de Freud, affirmait que la santé psychique dépend de la capacité à jouir pleinement de son orgasme. La soumise, en ce sens, est peut-être l’une des figures les plus entières du plaisir : elle vit la jouissance comme un abandon total, du corps et de l’esprit.
Ce n’est pas un orgasme « reçu », mais un orgasme offert, vécu comme une réponse à la présence du Maître.

Dans cet état de transe, elle dépasse la honte, la peur, le jugement. Elle entre dans un espace de vérité brute, où le corps devient langage, où chaque frisson est un mot, chaque gémissement une prière.

Soumission : jeu ou vérité intérieure ?

Beaucoup commencent par “jouer” à être soumis.
Mais le jeu, s’il est sincère, finit souvent par révéler quelque chose de plus profond.
La frontière entre le rôle et la nature est poreuse.
Pour certaines, la soumission devient un refuge, une révélation. Pour d’autres, un terrain d’exploration qu’elles quittent après l’avoir traversé.

D’un point de vue philosophique, la soumission peut être comprise comme une quête de transcendance.
Michel Foucault la voyait comme une “technologie de soi” : une pratique qui permet de se réinventer, de se transformer.
Se soumettre, c’est aussi renoncer à l’illusion du contrôle, accepter d’être traversée par quelque chose de plus grand que soi — le désir, la relation, le sacré de l’instant.
C’est un dépouillement volontaire, un acte d’humilité face à la puissance de la vie.

Dans ce sens, la soumise n’est pas dans la servitude, mais dans une forme de spiritualité charnelle.
Elle apprend, à travers son Maître, à écouter, à ressentir, à exister pleinement.
Et parfois, cet apprentissage la conduit à devenir elle-même plus libre que jamais.

Qui peut devenir soumise ?

C’est une question qu’on pose souvent, avec curiosité ou crainte.
La vérité ? Toute femme peut l’être. Mais toutes ne le deviendront pas.
Car il ne s’agit pas d’un rôle que l’on joue pour plaire, mais d’une disposition intérieure que l’on découvre ou non.

Certaines femmes puissantes, indépendantes, dirigeantes dans leur vie quotidienne, trouvent dans la soumission une contrepartie nécessaire, un espace où elles peuvent enfin déposer le fardeau du contrôle.
D’autres, marquées par des blessures, cherchent dans la soumission une reconstruction, une manière de reprendre la main sur ce qu’elles avaient perdu.
Mais dans tous les cas, la soumission véritable n’est jamais imposée. Elle naît d’un élan, d’un consentement absolu, d’une envie de s’abandonner — et non d’être soumise malgré soi.

La soumise ne “perd” pas le pouvoir : elle le transfère volontairement.
Et c’est ce geste, cet acte conscient, qui en fait une femme forte.
Comme le disait Simone de Beauvoir : « Le sexe est une donnée de la vie, et non une souillure. »
Dans la soumission, il ne s’agit pas de se nier, mais de s’affirmer autrement.

En conclusion : la soumise, miroir de notre humanité

Être soumise, ce n’est pas être esclave. C’est oser explorer une part de soi que la société juge dérangeante, celle du désir brut, du lâcher-prise, de la confiance totale.
C’est une quête, parfois douloureuse, souvent bouleversante, mais profondément humaine.
Parce que dans l’acte de se soumettre, il y a une vérité universelle : nous cherchons tous un espace où l’on puisse cesser de jouer un rôle, où l’on puisse être vu, tenu, aimé, guidé — sans avoir à tout maîtriser.

La soumise, dans son abandon, nous renvoie à cette part en nous qui rêve de repos, de fusion, de vérité.
Et c’est peut-être pour cela qu’elle fascine autant :
Parce qu’en elle, se mêlent la fragilité et la puissance, la honte et la fierté, la chair et l’âme.
Parce qu’en elle, le désir devient un acte de foi.

« La sexualité, écrivait André Comte-Sponville, est une sagesse du corps. »
La soumise, elle, en incarne la forme la plus lucide.