Libertinage : entre ego, filtre et solitude

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Les sites de rencontres trient les gens par cases : âge, religion, statut. On s’étonne ensuite de la solitude. Dans le libertinage, le respect disparaît, remplacé par l’ego et la ruse. Entre séduction sans scrupule et romantisme mal placé, l’humain se perd. Liberté sans respect n’est qu’un décor vide.

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Les sites de rencontres

On tri les étiquettes, on oublie la personne

Avant, pour rencontrer quelqu’un, il fallait se lever du canapé. On allait dans un bar, on profitait d’un concert, on acceptait le risque — celui d’être ridicules, maladroits, vraiment vivants. Aujourd’hui, il existe un site pour tout : les jeunes, les séniors, les riches, les religions, les niches. On choisit l’appartenance avant la personne. Et puis on s’étonne que la solitude s’étende comme une traînée d’essence.

Ce qui choque, c’est moins l’abondance d’offres que le manque de respect qui rôde : certains hommes se permettent d’offrir une soirée coquine avec un couple pour mieux séduire la femme en secret. Qui ne tente rien n’a rien, dit-on. Mais qui perd le respect, perd tout. Et le libertinage, à force de masquer l’éthique, devient un terrain de prédation camouflée.

Les étiquettes d’abord, l’humain après

Pourquoi on filtre la vie comme un catalogue

Les sites de rencontres ont fait de l’identité une liste de cases à cocher. Âge, religion, statut, apparence — tout est réduit à un filtre. Ce tri rassure : il permet d’éviter l’inattendu. Mais il tue ce qui pourrait faire une rencontre — la singularité, l’écart, l’imprévu.

Michel Foucault avait raison quand il montrait que les pratiques sexuelles sont façonnées par la culture et les dispositifs sociaux : ici, les algorithmes sculptent nos désirs. Au final, on choisit des appartenances parce qu’elles donnent une garantie sociale, pas parce qu’elles ouvrent à la découverte.

L’effet pervers : on se protège… et on s’enterre

Trier, c’est se protéger de la blessure, mais c’est aussi s’enfermer. Les profils deviennent des vitrines sans voix. Les conversations se réduisent à des check-lists de fantasmes.

Résultat : on multiplie les contacts mais on dilapide l’attention. La fréquentation remplace la relation. Et dans ce vide, la tentation du manque de respect trouve sa place — parce qu’il est plus facile de trahir derrière un écran que face à un corps.

Le manque de respect : une banalité trop bien cachée

L’homme qui trahit “pour tenter sa chance”

Il y a cette scène récurrente : invité par un couple à partager une soirée, l’homme seul se glisse derrière la dame, lui laisse son numéro à la sauvette, l’incite à tromper. Ce geste dit deux choses simples : l’égoïsme et l’absence d’empathie.

Il trahit non seulement le couple, mais sa propre dignité. S’imagine-t-il qu’il aimerait voir son propre foyer démoli par la même roulette ? Probablement non. La plupart des coups bas sont commis par des gens qui ne supporteraient pas qu’on leur rende la pareille.

C’est l’hypocrisie du libertinage digital : il promeut la liberté mais banalise la trahison.

Le romantique perdu dans le mauvais rayon

Autre phénomène : ceux qui vont chercher l’amour sur un site libertin. Ils pensent être malins : pourquoi risquer une séparation si on peut choisir une partenaire “libertine” dès le départ ? Le calcul est simple mais dangereux. Les couples formés par opportunisme libertin sont souvent fragiles : la logique du “je t’ai choisie parce que tu étais disponible” manque de profondeur.

L’amour ne se commande pas sur une grille de filtres. Il se construit, il se teste, il s’endurcit ou se fissure. Et beaucoup de ces couples craquent vite, car ils ont sacrifié la construction sur l’autel du désir immédiat.

Le paradoxe : plus d’options, moins de courage

Le supermarché du désir efface le risque sensuel

Avec l’abondance, le désir perd sa valeur. Quand tout est accessible, il n’y a plus besoin d’imagination ni d’audace. On swipe, on clique, on réserve — et la rencontre se transforme en marchandise. Le vrai risque — celui qui permet l’intimité — est évité.

Or l’intimité exige du courage : oser être vulnérable, oser poser une limite, oser refuser une tentation. Quand le courage est absent, le respect aussi.

Comment réintroduire de l’éthique et du courage

La bonne nouvelle ? On peut agir tout de suite. Voici trois gestes simples mais efficaces :

  • Dire clairement son statut et son intention : transparence avant la drague évite les dégâts.
  • Respecter les limites du couple hôte : si on est invité, on respecte l’accord, point final.
  • Prendre le temps de la rencontre réelle : refuser l’immédiateté numérique, accepter une vraie conversation, regarder l’autre dans les yeux.

Ces actions ne sont pas sexy sur une bio, mais elles sont efficaces pour créer du solide.

Quelques règles actionnables pour rester digne (immédiatement applicables)

  • Avant un rendez-vous à trois, demander un temps de parole privé : écouter l’autre avant d’agir.
  • Ne jamais glisser un numéro en douce : si vous voulez prolonger un contact, faites-le ouvertement, avec l’accord de tous.
  • Éviter les profils “cherche amour” sur un site libertin si vous voulez construire : utilisez le bon canal pour la bonne intention.
  • Si le doute s’installe, reculer plutôt que forcer : le respect sauve plus de scénarios qu’il n’en casse.

Ces pratiques remettent l’humain au centre — et ça change tout.

Le choix entre spectacle et dignité

Les sites de rencontres ont démocratisé l’accès à l’autre. Ils sont utiles. Mais s’ils deviennent uniquement des rayons d’indices — âge, religion, statut — alors ils renforcent l’isolement. Le libertinage numérique n’est pas condamné d’avance : il peut être un espace de liberté si respect et courage redeviennent la norme.

Sinon, on continuera à empiler des rencontres vaines, à normaliser la trahison, et à confondre la séduction avec l’opportunisme. Le vrai défi, aujourd’hui, est simple : choisir d’être humain plutôt que consommateur. Choisir la dignité plutôt que l’astuce. Le reste suivra.