Libertin, de quoi as-tu peur ?
La douceur du fantasme, la morsure du réel
Fantasmer, c’est doux. C’est sûr. C’est propre.
On imagine. On se fait un film. On contrôle le scénario, les acteurs, la lumière. On s’offre du plaisir sans conséquences. On s’échappe un peu du quotidien, du couple, de la fatigue.
Et dans ce refuge mental, tout paraît possible. Rien n’est obligatoire.
Mais un jour, l’écran clignote autrement.
Un message reçu. Une invitation.
Quelqu’un te parle, vraiment.
Et là, ton cœur s’accélère. Parce que soudain, il ne s’agit plus d’un jeu de projection. Il faut choisir. Avancer, ou reculer.
Alors, libertin… de quoi as-tu peur ?
La peur du réel : quand le fantasme se met à respirer
Le fantasme, c’est ton territoire. Ton royaume privé, sans risque.
Mais dès qu’il devient réel, le corps entre en scène. Et le corps, lui, ne ment pas. Il tremble, il sue, il doute.
Cette peur-là, c’est la peur de la cohérence.
Celle de devoir aligner ce que tu as imaginé et ce que tu vas vivre.
C’est vertigineux. Parce que le fantasme te rend invincible, alors que le réel te renvoie ta vulnérabilité.
Tu n’as plus la distance de l’écran. Tu n’as plus le pouvoir de “quitter la conversation”.
Tu dois te montrer.
Et ce simple geste — te rendre visible — peut suffire à faire remonter tout ce que tu croyais enfoui :
- la peur d’être jugé,
- la peur de ne pas être à la hauteur,
- la peur de perdre ton image.
Comme l’écrit Nietzsche, « il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse ».
Ton corps sait avant toi ce que tu redoutes. Il parle avant tes mots.
En couple : la peur de fissurer l’image parfaite
Sur les sites libertins, beaucoup de couples se présentent fièrement :
« Ensemble depuis dix ans, très amoureux, tout va bien entre nous ! »
Pourquoi tant de précautions ?
Pourquoi ce besoin de rassurer, d’afficher la solidité du couple avant même de parler de désir ?
Parce que le libertinage, c’est une faille.
Et que certains préfèrent la colmater avec des phrases.
Cette peur-là n’est pas celle du sexe. C’est la peur du déséquilibre.
La peur que l’autre désire ailleurs.
La peur de ne plus être unique.
La peur que le jeu révèle des fissures déjà là, mais soigneusement maquillées.
Le libertinage met le couple à nu — bien avant les vêtements.
Il révèle qui regarde, qui désire, qui se tait.
Et parfois, ce n’est pas le corps qui trahit, mais le silence.
Comme l’écrivait André Comte-Sponville, « la sexualité est une sagesse du corps ».
Encore faut-il oser l’écouter.
Certains couples se découvrent plus vrais dans le libertinage, d’autres s’y perdent.
Mais tous affrontent la même question : peut-on jouir sans se trahir ?
Seul : la peur de se rencontrer soi-même
Chez le libertin seul, la peur change de visage.
Ce n’est plus celle de l’autre. C’est celle de soi-même.
Tu fantasmes depuis des mois, tu t’inventes des scénarios, tu explores tes limites avec les mots, les images, les chats.
Mais le jour où il faut y aller, ton corps te rappelle que tu n’es plus dans l’abstraction.
La peur de la performance, de la déception, de l’inconfort, du ridicule.
La peur de ne pas correspondre à ton propre fantasme.
Cette peur-là est intime, existentielle.
Parce qu’elle dit une chose très simple : ton désir t’effraie autant qu’il te construit.
Le philosophe Georges Bataille disait :
« L’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort. »
Autrement dit : le sexe n’est jamais anodin.
Chaque fois que tu avances vers le réel, tu approches une forme de vérité sur toi.
Et cette vérité, tu ne la maîtrises pas.
La peur du regard : entre honte et excitation
Le libertinage est un théâtre.
On s’y dénude autant pour soi que pour les autres.
Mais tous les acteurs ne supportent pas la lumière.
Tu veux être désiré, admiré, choisi.
Mais quand les regards se posent, tu recules.
Parce qu’ils te renvoient une image que tu ne contrôles plus.
Et là, tu ressens la honte — ce mélange de brûlure et de vertige qui peut soit te paralyser, soit t’exciter.
Cette honte, paradoxalement, nourrit le jeu libertin.
C’est elle qui rend le plaisir plus fort, parce qu’il devient transgressif.
C’est dans le frisson du tabou que se cache l’intensité du plaisir.
Mais il y a une ligne ténue entre la transgression joyeuse et la peur qui détruit.
Le libertin mature apprend à jouer avec cette frontière sans la franchir trop loin.
Il sait que la pudeur et l’impudeur sont sœurs jumelles, comme l’expliquait Bataille.
Avancer ou reculer : la décision impossible
Alors, que faire ?
Reculer, rester dans le fantasme — ou oser le réel, avec tout ce qu’il comporte d’imprévu, de maladroit, de vivant ?
Reculer, c’est préserver ton confort.
Mais c’est aussi continuer à fantasmer ta liberté sans jamais la vivre.
Avancer, c’est t’exposer. C’est perdre un peu de contrôle, mais peut-être te découvrir vraiment.
La question n’est pas de savoir si tu dois y aller.
Mais pourquoi tu veux y aller.
Est-ce pour fuir ton couple ou pour le réveiller ?
Pour prouver quelque chose ou pour t’explorer ?
Pour te sentir vivant ou pour échapper à ta solitude ?
Le libertinage n’est pas un jeu neutre.
C’est un miroir.
Et parfois, il renvoie un visage qu’on ne reconnaît pas tout de suite.
Comme le disait Spinoza, « le désir est l’essence même de l’homme ».
Mais ce désir, encore faut-il apprendre à le regarder sans trembler.
Faire face à soi : la seule vraie rencontre
Au fond, le libertinage n’est pas une aventure sexuelle.
C’est une aventure existentielle.
Tu crois chercher des corps, tu tombes sur ton reflet.
La peur, ici, n’est pas l’ennemie. Elle est le passage obligé.
Elle t’indique que tu touches quelque chose de vrai.
Le libertin qui avance sans peur se ment.
Celui qui tremble, mais avance quand même, découvre ce que veut dire être vivant.
Alors, libertin, de quoi as-tu peur ?
De jouir ? De t’exposer ? D’aimer ?
Ou simplement de ne plus pouvoir faire marche arrière une fois que tu te seras trouvé ?


